Chapitre 1 : la possibilité des nuits
J’essayais de faire le moins de bruit. Chaque geste était savamment réfléchi et préparé pour créer du silence dans le silence. Je prenais plaisir à cette attitude ou rien n’était brusqué mais tout contrôlé. Tel un chat, ma pesanteur était légère et gracieuse.
Il n’y avait alors pas de différence entre le stade immobile, le mouvement du lever, le dépôt du verre sur la table, puis de nouveau le silence. Dans ce « jeu », je voulais m’extraire de toute vie, m’oublier corps et âme. Me fondre dans l’air et l’espace. Je flottais parmi les molécules et atomes, moi-même en étant constitué.
Aucune raison ne m’obligeait à agir de la sorte, ici, chez moi, où mes bruits n’auraient gêné personne. Il est vrai qu’on était en pleine nuit et que mon voisin du dessus s’était déjà plaint. il est vrai aussi que ce vieil immeuble, mal isolé, faisait traverser d’appartement en appartement toutes sortes de résonances, mal identifiables, à part les bruits de pas du dessus, les portes qui claquent ou les lave-linges en fonctionnement.
… à suivre…
(7/06/2019)